L'ABBAYE

L'esprit de St Bernard et des cisterciens

Début XIIème siècle, le futur Saint Bernard quitte l’abbaye de Cîteaux pour fonder Clairvaux. Le principe du nouvel ordre cistercien est de créer leurs communautés dans des lieux à la fois éloignés du monde pour pouvoir se consacrer à la prière et bien desservis en ressources naturelles pour pouvoir vivre en autarcie.

Véritable modèle d’abbaye cistercienne, Clairvaux est située dans la clairière du Val d’Absinthe au cœur d’une vaste forêt traversée par la rivière Aube. Celle-ci permet de créer des moulins et des bassins de pisciculture tandis que la forêt est utilisée pour le bois et l’élevage. L’exploitation de leurs terres consacrées à l’agriculture et à la viticulture, mais aussi de leurs mines et forges, conduisent rapidement les moines et les « convers » de Clairvaux à innover et développer de nouvelles techniques dans plusieurs domaines (de l’architecture à la métallurgie en passant par la viticulture). Ils bénéficient du fruit de leurs recherches grâce à un important réseau d’une quarantaine de « granges » régionales et ils les diffusent dans une filiation de plus de 350 abbayes à travers toute l’Europe.

A la veille de la Révolution, riche d’un domaine de plus de 20 000 hectares (dont 16 000 de forêts), l’abbaye se présente encore comme une cité religieuse, aux multiples bâtiments construits au cours des siècles à l’intérieur d’une enceinte de trois kilomètres. Ils entretiennent la réputation de Saint Bernard, défendant son œuvre théologique et rappelant qu’il avait été,  entre 1120 et 1150, la « conscience de son temps », arbitre entre les princes et conseiller des papes.

A la Révolution, Clairvaux est vendu comme « Bien national » mais non démoli. En 1808, Napoléon modifie le régime pénal français. La peine de privation de liberté qui est instituée nécessite de disposer de prisons.  Il rachète l’abbaye pour en faire la plus grande prison de son temps. Les murs de l’abbaye abriteront des détenus jusqu’en 1971. A cette date, la nouvelle maison centrale, construite à l’emplacement des fondations de l’ancienne abbatiale, occupe toujours une partie importante du domaine, libérant toutefois la majorité des bâtiments historiques ce qui permet, depuis 1979, une activité culturelle sous certaines conditions de sureté.

L’histoire de Clairvaux-prison accompagne l’histoire de France des grands procès et des détenus politiques célèbres des deux derniers siècles. Les premiers détenus furent, en 1813, des insoumis de la grande armée napoléonienne. En 1832, Clairvaux devient au centre d’un nouveau débat de société : Victor Hugo publie Claude Gueux, nom d’un détenu dont la triste histoire est devenue le prétexte de son premier ouvrage contre la peine de mort. Puis en 1848 avec Georges Duchesne et en 1871 avec les communards, Clairvaux devient la prison des révolutionnaires. Blanqui y sera au mitard pendant de longs mois. Le prince Kropotkine et les anarchistes de Lyon se retrouvèrent à Clairvaux en 1883. Puis des insoumis de Verdun en 1916, Marty le mutin de la mer Noire en 1921, des cagoulards en 1934, des résistants – dont Guy Môquet – entre 1940 et 1944, plusieurs ministres de Vichy et des collaborateurs à la Libération, des responsables du FLN et trois des généraux putschistes à la fin de la guerre d’Algérie, puis des autonomistes et des acteurs du terrorisme international. »

Documentaires & communications

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Bernard de Clairvaux (1090-1153), voyageur infatigable

Dès 1115, après trois années de vie monastique à Cîteaux, Bernard est envoyé à Clairvaux pour y fonder l’abbaye dont il restera père-abbé jusqu’à sa mort. Loin de rester cloîtré il parcourt les routes d’Europe devenant, comme on a pu l’écrire, « la conscience de l’Église de son temps ». Il vient plusieurs fois à Paris, à Saint-Pierre de Montmartre, à la chapelle du Martyrium, à la chapelle Saint Aignan où il vient prier souvent devant la statue de la Vierge qui se trouve maintenant à Notre-Dame de Paris. Il se déplace également en Allemagne (Spire), où ses prêches permettent notamment de protéger les communautés juives implantées dans les villes rhénanes.

Sa correspondance abondante avec des princes, des frères moines ou des jeunes gens qui requièrent son conseil ne l’empêche pas de se consacrer à la contemplation tout autant qu’à l’action directe dans la société de son temps. Infatigable fondateur, on le voit sur sa mule, traînant sur les routes d’Europe sa santé délabrée et son enthousiasme spirituel. Sa réforme monastique l’oppose à l’ordre de Cluny dont il jugeait l’interprétation de la règle de saint Benoît trop accommodante.

À sa mort, en 1153, ce sont trois cent quarante-trois abbayes cisterciennes qui auront surgi du sol européen.